Burkini : diversion politique et offensive raciste

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La polémique autour du burkini sur les plages n’est pas qu’une minable diversion (pendant ce temps, on ne parle pas de la loi travail ou de la guerre en Syrie !) Au-delà du ridicule de l’affaire, c’est une nouvelle campagne visant à dresser une partie de la classe ouvrière contre une autre, issue du monde musulman. À cet égard, les objectifs du duo Hollande-Valls, de la droite, des fascistes franchouillards et des théofascistes de Daech se rejoignent. C’est aussi une nouvelle tentative -totalitaire et antidémocratique- d’étatiser l’espace public. Cette honteuse polémique ne doit donc pas être prise à la légère : les droits individuels et démocratiques sont menacés.

Sollicité par la LDH et le CCIF, le Conseil d’État vient de suspendre les arrêtés anti-burkinis qu’avait pris plus d’une trentaine de mairies (majoritairement LR mais aussi FN et PS). Il a notamment considéré que « l’arrêté litigieux a […] porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle ». Cependant, l’hystérie anti-musulmans de l’arc politique gouvernement-droite-FN risque de continuer.

Notamment, M. Valls -qui avait soutenu sans retenue les maires pris en flagrant délit d’abus de pouvoir- a tout de suite contredit la décision du Conseil d’État. Selon le premier ministre, celle-ci « n’épuis[e] pas le débat » : « Dénoncer le burkini, ce n’est en aucun cas mettre en cause une liberté individuelle. Il n’y a pas de liberté qui enferme les femmes ! C’est dénoncer un islamisme mortifère, rétrograde ». Comme n’importe quel leader de la droite, le mâle M. Valls n’attend pas l’avis des femmes pour leur attribuer le sien. Peu lui chaud que la plupart des organisations féministes ait dénoncé la chasse policière au burkini sur les plages et les injonctions au déshabillage public des femmes qui le vêtaient. Quoique l’on pense du caractère rétrograde du burkini, son port ressort de la liberté individuelle et non de l’autorité de l’État. C’est aux femmes de décider elles-mêmes, pas aux politiciens paternalistes ni à une quelconque police des mœurs. [1]

Les véritables objectifs des Valls et consorts, des LR et des FN ne sont évidemment pas les droits des femmes (qu’ont-ils fait contre les violences et les discriminations sexistes structurelles dont elles sont victimes, ou contre l’instrumentalisation de leur corps par la publicité ? Sans compter que nombre d’entre eux sont opposés au droit à l’IVG !) Il s’agit plutôt pour eux :
-  d’accélérer l’entreprise de stigmatisation, de discrimination et de ségrégation visant spécifiquement les millions de musulmans de France (ce qui alimente Daech en retour) afin de diviser encore plus une classe ouvrière soumise à l’offensive capitaliste contre ses droits sociaux ;
-  de renforcer le maillage policier et militaire de l’espace public, déjà passablement aggravé par un état d’urgence devenu permanent.

D’un côté, les Valls et consorts, les LR et les FN visent à légitimer le racisme sous-jacent de la société française, à développer la peur de l’autre (de tous les bords !), de l’autre ils cherchent à réduire l’espace démocratique résiduel à une peau de chagrin. C’est que le capitalisme et ses idéologues libéraux entendent poursuivre leur offensive globale contre les revenus et les droits collectifs et individuels des travailleurs. Pour ce faire, ils ont besoin de diviser leurs adversaires, quitte à semer les ferments d’une guerre civile, et de renforcer l’appareil répressif des États, quitte à ce que cet appareil prenne l’ampleur connue dans les pays totalitaires, contrôlant les moindres faits et gestes des citoyens. Cependant, si la dérive autoritaire de l’État français (notamment dans les quartiers populaires, soumis à tous les dérapages d’une police assurée de la plus totale impunité) n’est pas un phénomène isolé en Europe et dans le monde, elle heurte frontalement la tradition démocratique née de la révolution française et peut générer une résistance grandissante (à cet égard, les prises de position de la LDH, longtemps inféodée au PS, sont un élément positif [2])

Pour une riposte politique

La mobilisation de ce printemps contre la loi travail a d’ailleurs montré toute la distance qu’a prise une majorité de la population vis-à-vis du projet néolibéral de la bourgeoisie française, porté en commun par le PS, LR et le FN. Pendant ce mouvement, la question (grave) posée par l’existence du théofascisme de Daech est passée au second plan. Le problème principal était bien la résistance à l’ordre néolibéral et l’urgence de la construction d’une alternative politique rompant avec un capitalisme qui entraîne l’humanité et la planète vers une ruine totale. C’est par cette construction collective que les courants identitaires de tous les horizons pourront véritablement être contrés. Les fascismes nationalistes et les théofascismes ne se développent jamais que dans des milieux frappés de déshérence morale ou/et économique. À nous, toutes et tous ensemble, d’agir pour que le devant de la scène ne soit plus occupé par les histrions de la bourgeoisie, qu’ils se nomment Hollande, Valls, Le Pen ou Sarkozy, et pour montrer qu’un monde solidaire et fraternel, respectueux des humains et de notre environnement, est encore possible.

27 août 2016, par NPA 49

[1] Les photos largement commentées de quatre hommes armés (policiers municipaux niçois) imposant à une plagiste d’ôter ses vêtements est un inquiétant pendant des pasdaran iraniens imposant aux femmes le port “correct” du foulard islamique... Dans les deux cas, des hommes prétendent ainsi “protéger” les femmes !

[2] Lire à ce propos le communiqué de la LDH “Un coup d’arrêt utile mais qui ne résout rien.”