Ecosocialisme ou collapsologie : l’urgence d’une clarification !

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Invité dimanche 11 août par le collectif « Sans Transition ? » à Saint Lézin (49), l’ancien ministre EELV de l’environnement Yves Cochet (sous Lionel Jospin en 2001) a pu y développer ses thèses collapsologistes, comme il l’a fait longuement dans le Courrier de l’Ouest du même jour. Dans la continuité de son passé politique, il ne remet pas en cause le capitalisme et ses responsabilités dans la catastrophe écologique qui menace et s’en tient à un discours de renoncement. Contre cette impasse du fatalisme et de la résignation, il faut au contraire chercher une issue : sortir d’un capitalisme mondialisé et destructeur, vers l’écosocialisme !

Le collectif “Sans Transition ?” et l’association “Un Pas de côté” organisaient le week-end dernier à Saint Lézin un “festival” centré sur le thème de « l’effondrement » civilisationnel promis par le courant de la “collapsologie”. Il n’est donc pas étonnant qu’Yves Cochet, président de l’Institut Momentum qui se réclame de ce courant y ait été invité. Beaucoup de lecteurs du Courrier de l’Ouest auront découvert à cette occasion que l’effondrement « systémique et mondial » est « inévitable », qu’il est « trop tard » pour l’éviter, qu’il aura lieu entre 2020 et 2040, qu’il touchera à égalité les riches et les pauvres, et que la seule solution sera de survivre dans des « biorégions résilientes » de tailles variables selon la géographie...

Les dangers que fait peser le mode de développement capitaliste sur la biosphère terrestre sont bien réels et il y a effectivement péril en la demeure à très court terme. La combustion des énergies fossiles a démarré à grande échelle avec la révolution industrielle capitaliste au XIXe siècle, s’est considérablement accélérée depuis la seconde guerre mondiale et a explosé avec ce que l’on nomme en France la mondialisation. Elle induit, via la libération de CO2 dans l’atmosphère, un réchauffement climatique qui déstabilise complètement les grands équilibres naturels. Parallèlement, l’utilisation des pesticides par l’agro-industrie et des matières plastiques par les industriels remet dramatiquement en cause la biodiversité. Enfin, l’urbanisation délirante et les transports en tous sens qui accompagnent la “croissance” capitaliste aliènent les humains et rendent de surcroît les sociétés en état de fragilité permanente. Un tel constat devrait conduire à une remise en cause du système capitaliste actuel et à agir avant qu’il ne soit « trop tard ».

Au contraire, Yves Cochet prône la résignation, à l’instar des collapsologues. C’est laisser le capitalisme continuer à nous emmener dans le mur. En cela, Yves Cochet est cohérent avec ce qu’il fut dans le passé : un ministre ou un député “écologiste” qui ne remettait aucunement en cause le capitalisme, qui faisait semblant de croire que l’écologie pouvait lui être compatible, et que quelques mesurettes allait ramener les capitalistes sur un chemin vertueux. Or, le seul ressort du capitalisme est la recherche du profit.

Yves Cochet ose même affirmer que riches et pauvres jouent dans la même cour et que c’est un « cliché » (sic) de croire que les plus défavorisés sont les premières victimes des dérèglements écologiques. Comme si les migrants qui tentent de traverser la méditerranée n’étaient pas déjà, en grande partie, des réfugiés climatiques, comme si les guerres actuelles n’étaient pas en grande partie induites par le dérèglement climatique et ne frappaient pas d’abord les plus pauvres, comme si les plus riches n’avaient pas les moyens, bien plus que les pauvres, d’échapper à la montée des océans et de se réserver des « biorégions résilientes », au besoin gardées par des bandes armées... Mais, en cela encore, Yves Cochet reste cohérent avec ce qu’il fut, et de ce que malheureusement la direction d’EELV continue à être : aveugle sur les questions sociales et incapable de faire progresser la cause écologiste dans les milieux populaires.

À la différence des Yves Cochet, Jared Diamond, Pablo Servigne ou Raphaël Stevens et autres “collapsologues”, nous pensons qu’il est encore temps d’agir. Si Marx au XIXe siècle, tout en étant conscient des problèmes écologiques que posait le développement du capitalisme, n’a pas inclus l’écologie comme moteur de la transformation de la société, au même titre que la lutte des classes, nous pouvons au XXIe siècle coupler ces deux moteurs afin d’avancer vers une autre structuration sociale, démocratiquement organisée à la la fois respectueuse des humains et de la nature : l’écosocialisme. Unir les luttes sociales et les luttes écologiques est la tâche de l’heure, pas la lamentation.

À lire absolument, les textes de Daniel Tanuro [1] sur ce sujet :
-  Interview sur le site de Ballast : Collapsologie, productivisme, marxisme, écosocialisme, gauche anticapitaliste. « Collapsologie : toutes les dérives idéologiques sont possibles » (vendredi 21 juin 2019)
-  Article sur le site d’Europe Solidaire Sans Frontières (ESSF) : Face à une crise d’effondrement ? La plongée des « collapsologues » dans la régression archaïque (mardi 26 février 2019)

Un article synthétique de Chloé Leprince peut également être parcouru sur le site de France Culture : Théorie de l’effondrement : la "collapsologie" est-elle juste une fantaisie sans fondement ?

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UN PLAN D’URGENCE ÉCOSOCIALISTE ?

1. Supprimer les productions inutiles et dangereuses (commencer par les armes !) et les transports inutiles de marchandises, localiser la production au maximum, lutter contre l’obsolescence programmée.

2. Créer des entreprises publiques chargées d’isoler et de rénover tous les bâtiments (sans surcoût pour les habitant.e.s).

3. Investir massivement dans les transports publics et les rendre gratuits, décourager l’usage de la voiture privée. Rationner les voyages en avion.

4. Laisser les combustibles fossiles dans le sol. Exproprier et socialiser les secteurs de l’énergie et de la finance pour organiser une transition rapide vers une économie basée à 100% sur les renouvelables (sans nucléaire !).

5. Redistribuer les richesses, rétablir l’égalité devant l’impôt et la progressivité de l’impôt sur les revenus globalisés. Refinancer le secteur public, l’enseignement et le secteur des soins.Respecter la justice climatique.

6. Transférer au Sud les technologies et les moyens financiers nécessaires à un développement soutenable pour toutes et tous.

7. Rompre avec l’agrobusiness. Promouvoir une agriculture écologique faisant ce qu’il faut pour séquestrer le maximum de carbone dans les sols.

8. Partager le travail nécessaire entre toutes et tous, sans perte de salaire. Reconvertir dans les nouvelles activités les travailleurs et travailleuses des secteurs à supprimer (avec maintien du revenu et des conquêtes sociales).

9. Sortir du tout-au-marché : gratuité de l’enseignement, des transports, des soins de santé. Gratuité de la consommation d’eau et d’électricité correspondant aux besoins de base, tarification rapidement progressive au-delà de ce niveau.

10. Développer une culture du « prendre soin », de la transparence et de la responsabilité. Renforcer et socialiser les activités de soin aux personnes et aux écosystèmes. Accorder le droit de vote à tous et toutes. Reconnaître les droits de contrôle et d’initiative citoyenne et populaire, y compris la révocabilité des élu.e.s

12 août 2019, par NPA 49

[1] ingénieur agronome et environnementaliste, auteur de “L’Impossible Capitalisme Vert”, publié aux éditions La Découverte/les Empêcheurs de Penser. Fondateur de l’ONG belge « Climat et justice sociale ».